Après bientôt 9 ans à la tête du
Coq aux Champs** (Soheit Tinlot - Liège), le chef
Christophe Pauly s'offre pour la première fois un lift complet de son restaurant!
Bas les nappes!
C'est dans l'air du temps, de plus en plus de restaurants épurent et
déshabillent leurs tables! Diminution des coûts? Retour à la simplicité? Christophe Pauly n'a pas attendu de le savoir et à pris la tendance en marche. Place dorénavant au
bois brut comme seul apparat de table. Fini les traditionnels nappages blancs ultra coûteux et pompeux (et tant chéris par Michelin), ou encore les suites de couverts à n'en plus finir.
On allège, on respire,...place à l'essentiel: l'assiette!
Cuisine ouverte!
Et tant qu'à bouleverser les codes autant le faire à fond! C'est pourquoi, outre le retrait des nappes, Christophe Pauly a suivi un autre mouvement grandissant et a décidé d'
ouvrir complètement sa cuisine sur la salle de restaurant!
La réussite est totale, même si le changement n'a pas été sans crainte:
"On a paniqué le jour de l'ouverture! On se demandait si on y avait pas été un peu fort! Est-ce que les gens apprécieront? Ne regretteront-ils pas le rassurant et conventionnel habillage blanc? Ne seront-ils pas gênés de manger le nez sur la cuisine?". Sans compter la nouvelle organisation à mettre en place.
Les backstage deviennent la scène, "
on n'a pas le droit à l'erreur", ni aux cris et énervements. Attention,
le public observe! "Fondamentalement, ça ne change pas grand chose. On n'avait déjà rien à cacher avant. Et même mieux, le fait d'être vu à tout moment oblige à plus de retenue. Au fond, cette ouverture des cuisines, ça calme!".
Mais pas seulement! Ce champ libre de part et d'autre
invite le client à venir plus volontiers pointer son nez côté cuisine et à échanger avec les artisans à l'oeuvre. Et vice et versa, avec
un chef qui devient par moment serveur (un peu comme au NOMA) apportant personnellement ses créations en salle pour un partage
front line, simple et convivial.
Chef & designer, le duo qui marche!
Pour sa nouvelle cuisine, Christophe Pauly n'a pas lésiné sur la qualité et a fait appel à
"Ben Martin", une entreprise belge déjà bien reconnue en Flandre (notamment pour ses collaboration avec le restaurant In de Wulf et le Oud Sluis, ou encore tout dernièrement avec VTM pour l'émission de cuisine de Peter Goosens).
"Tout est fait sur mesure. Ils travaillent comme des artisans et ont résolus toutes mes exigences". Les nouveaux équipement culinaires répondent aux nouvelles technologies et l'espace est bien mieux organisé.
Côté salle, c'est sa femme,
Catherine, qui s'est chargée du relooking.
"La suppression des nappes a obligé à repenser le dressage". Les tables ont été faites sur mesures par les frères
Serge et Fabrice Charlier, scieur et ébéniste à Havelange.
"On a opté pour du bois clair, un matériaux chaud et vivant". La salle a pris un joli coup
d'épure ne gardant d'origine au mur que le flamboyant tableau du coq signé de l'artiste flamande
Mi Van Landuyt. Seuls quelques éléments de design ponctuent la table.
Pieter Stockmans, très connu également pour sa collaboration avec d'autres grands chefs, signe ici les ronds de serviettes, tandis que
Sylvie Coquet et Roos Van de Velde ont imaginé les poivre/sel en céramique. Coup de coeur aussi pour ces verres à eau
blancs opaques et cette fantastique
plaquette à pain, creusée d'une incursion destinée à recevoir...l'huile (d'olive? ou de Colza? c'est vous qui choisissez!) de chez
NKZ à Courtrai.
Artisans locaux et produits d'exception.
Christophe Pauly reste toujours bien fidèle à sa région natale et continue de faire appel à des artisans et producteurs locaux. Si l’huile d'olive vient d'Italie, celle de
Colza vient de la
ferme de la Basse à Emptinne. La
farine provient de chez
Agribio à Buzin et tout récemment, il a mis au point un plan avec
Daniel Leblond,
maraicher bio à Redu, pour les nombreux légumes saisonniers qu'ils travaillent.
Les produits d'excellence sont également au rendez-vous avec comme toujours les
langoustines du Guilvinec, les Saint-Jacques de Dieppe, l'agneau de Loreze, le pigeonneau de Racan ou encore le boeuf Simmental maturé chez le boucher parisien Metzger! Bref, que du bon!
"La simplicité est la sophistication suprême*"
Dans l'assiette, l'entête du menu signée *
Léonard de Vinci donne le ton. Les préparations sont en effet merveilleuses de
simplicité et les
produits sont joliment mis à l'honneur. Pas de moléculaire à outrance, on s'en réjouit!
Le petit courant d'air chaud qui a fait son apparition inattendue ce jour là nous offre le plaisir de commencer la séance sur
l'agréable petite terrasse.
Un
champagne Brut Bagnost et un
extra brut Larmandier-Bernier sélectionné sur le
"chariot à champagne" accompagnent les mises en bouche parmi lesquelles un succulent
lard confit 36h avec une fine ratatouille et pistaches et une rafraîchissante
tomates/burrata. On se croirait presque en plein été!
De g. à dr.: crème de coquillage, émulsion de romarin; brioche, anguille, fromage frais, concombre; croquette aux crevettes
Chaque plat est joliment composé et les harmonies de saveurs parfaitement maîtrisées, à l'image du premier plat avec ces trois
ravioles de navet mariné selon la méthode 1, 2, 3 du chef
Magnus Nilson*. Chaque raviole est
farcie de palourdes et agrémentées différemment d'algues, de gingembre, de soja et de croustillant de pain, offrant un agréable jeux de textures et de saveurs (petite trilogie ludique qui n'est pas sans rappeler son
king crabe et ses trois condiments). Côté vin, un très frais
Anjou de Loire, 100% sauvignon, du Domaine du Breuil marie agréablement ses notes d'agrumes à l'iode des coquillages et au délicat piquant du gingembre!
Palourdes: Navet, algues vertes, gingembre, soja
*Le Chef nous contera avec humour le désenchantement avec sa grand-mère lorsqu'il lui expliqua, avec fierté, sa découverte de la "révolutionnaire" et "nouvelle technique" du 1,2,3. Sa grand-mère lui avait alors répondu : "Eau-sel-vinaigre? mais j'utilise ça depuis des lustres moi!". Et oui, rien de neuf avec cette bonne vieille méthode ancestrale de conservation ! ;-)
Homard Breton: Carottes, jus corsé oriental
Nos papilles s'affolent ensuite avec le fabuleux
jus corsé à l'oriental, aux notes de badiane et curry, qui accompagne le
homard breton simplement grillé à la plancha. La cuisson est à nouveau juste et la découpe des
carottes sables et pourpres en une julienne ultra fine donne le délicat croquant sous la dent. Le vin hongrois, un
Magnus 2008 rouge, complète merveilleusement ce panel de saveur intense. De la
"dentelle", pour son côté fin et tout en longueur, comme aime à le décrire si joliment Dimitri Wahlin, le sommelier. (Á préciser qu'à l'origine, ce plat s'accompagne d'un vin blanc, mais qu'à notre demande, le sommelier a adapté (avec succès) sa sélection avec une dominance de vins rouges.)
Merlu de ligne: Au vert, légumes verts
Petit passage au vert pour suivre avec un très frais et savoureux
merlu et légumes printaniers croquants (mais pas trop):
asperges de Carpentras et gros petits pois frais écossés du jour. Le tout rafraîchi par quelques délicats
zestes de citron et généreusement arrosé d'un léger
jus vert vif et onctueux. Coup de coeur! Très bon choix vin (à nouveau un rouge à la place du blanc initial) avec ce
Corbière du Château Ollieux Romanis, rond et gourmand.
Selle d’agneau du Quercy, cuisiné au foin:
Artichauts, oignons brûlés, olives Taggiasches
On enchaîne ensuite avec un plat qui n'est pas sans laisser penser au
"cook it raw", ce mouvement culinaire star du moment caractérisé par ses côtés
bruts, sauvages, au plus proche du produit. Ici avec un
agneau de Quercy, cuisiné au
foin, servi ici avec sa croustillante et fondante couche de gras et accompagné d'
oignons colorés à vif, au goût ardent (et volontaire) de
brûlé. L'accord avec le vin est ici fabuleux. Un
languedoc 2008 du Domaine de la Marfé "Della Francesca", 80% mourvèdre et élévé en fût qui fait littéralement exploser le goût de l'agneau! Superbe!
Fraises de Provence, miel et thym; Idée dame blanche; Bonbon violette
Le
sucré, traité comme toujours avec beaucoup d'amour par Christophe Pauly, cloture somptueusement le repas. La
dame blanche revisitée est impressionnante de légèreté, les
fraises de Provence, miel et thym sont d'une très agréable douceur (dommage juste qu'elles ne soient pas plus locales, Wépion n'est pas si loin?) et l'incontournable
"bonbon violette", plat signature du chef, reste... incontournable!
Le chariot mignardise qui accompagne notre très parfumée tisane verveine termine les réjouissances avec gourmandise. Fantastique à nouveau cette
tuile aux grués de cacao et fleur de sel, tout comme ce
macaron chocolat-matcha, moelleux à souhait à en faire pâlir Laduré et Pierre Hermé!
Crème brûlée, tuile grué de cacaco, sucette chocolat Valrhona, macaron chocolat-matcha, guimauve framboise et fruit de la passion, mini cannelé
En bref, très belle soirée à nouveau passée à cette table condruzienne, avec un Chef en continuelle évolution. L'assiette est toujours aussi
gourmande, fraîche et créative tout en gardant une belle simplicité. Les
harmonies de saveurs sont très bien maitrisées et les compositions amènent de belles découvertes. On aurait peut-être apprécié encore un peu plus de
"locavorisme" au niveau des poissons et viandes ou encore des fraises... (même s'il faut admettre que l'excellence a son terroir, France en tête). Quant au cadre new look,
épuré, avec
vue sur la cuisine, c'est un réel plus, très réussi!
Le service était lui aussi sans fausse note. On a apprécié tout particulièrement le travail du sommelier,
Dimitri Wahlin qui a réussi un très beau travail d'association, imprévu, avec notre demande spéciale pour une sélection vin plus rouge que blanc. Tâche pas si évidente surtout quand le menu est presque entièrement composé de poisson!
On a déjà hâte de revenir!
Cartoon du caricaturiste liégeois Pierre Kroll imprimé sous format tableau, placé dans la cuisine et que Kroll lui même a ressigné officiellement lors d'une de ses visites au Coq aux Champs.
Rue du Montys 71
4557 Soheit-Tinlot
T. 085/51 20 14